Béhouqotai. Les prophéties qui se confirmèrent

« Mais si vous ne M’écoutez pas, et que vous cessiez d’exécuter tous ces commandements » (Vayiqra 26,14)

« Sache et comprends que ces malédictions sont une allusion au premier exil, car lors de la destruction du Premier Temple, tous les présages de ce pacte se confirmèrent, aussi bien lors de l’exil que lors de la rédemption. […] Quant au pacte du livre de Dévarim [dans Ki Tavo], il fait allusion à notre exil [survenu avec la destruction du Second Temple], ainsi qu’à la rédemption qui nous en délivrera. » (Ramban)

Dans ce commentaire, le Ramban énumère toutes les prophéties et les allusions contenues dans les passages qui exposent les malédictions, et démontre comment celles citées dans notre paracha se produisirent lors du premier exil, et celles de Ki Tavo lors du second exil. Allant sur les traces du Ramban, l’auteur du Névoua VéHachga’ha (chap.5) démontre avec brio qu’un lien étroit apparaît entre les avertissements qui figurent dans ces parachiot et les circonstances des exils.Dans le verset 15 de notre paracha, la Tora annonce : « Si vous dédaignez Mes lois et que votre esprit abhorre Mes décrets […] au point de rompre Mon alliance. » La rupture de l’alliance évoquée ici est explicitée dans le verset 30, où il est fait mention de « haut lieux », de « monuments solaires » et d’« idoles impures ». Or dans le livre de Dévarim, aucune mention n’est faite de cultes idolâtres : « Mais si tu n’écoutes pas la voix de l’Eternel […] si tu n’as pas soin d’observer tous Ses préceptes et Ses lois… » (Dévarim 28). En effet, précise le Ramban, « au temps du Second Temple, les hommes ne transgressèrent qu’une partie des mitsvot, ils ne les respectèrent pas toutes et c’est pourquoi ils furent punis. Telle fut effectivement la situation à cette époque, comme le disent nos Sages : “Le Premier Temple, pourquoi fut-il détruit ? Parce que le peuple servait les idoles, qu’il s’était compromis dans la débauche et le meurtre. Mais le Second Temple, époque à laquelle les hommes étudiaient la Tora et faisaient preuve d’altruisme, pourquoi fut-il détruit ? A cause de la haine gratuite qui régnait parmi eux.“ »

Les châtiments évoqués dans notre paracha sont : le glaive, les bêtes sauvages, les fléaux, la famine et finalement, l’exil. Comme en témoignent les prophéties d’Irmiya, toutes ces calamités se produisirent effectivement lors de la destruction du Premier Temple. En revanche, la malédiction : « Tes fils et tes filles seront livrés à un peuple étranger » ne figure que dans Ki Tavo (28,32), le verset faisant état d’une situation où les enfants seront exilés et séparés de leurs parents, qui demeureront quant à eux dans leur pays. Ces faits se déroulèrent uniquement à l’époque du Second Temple – lorsque les Romains conquirent notre terre et s’emparèrent de nos enfants – mais non au temps du premier exil où le peuple en entier connut la déportation. La domination romaine est d’ailleurs également évoquée dans le verset de Dévarim (28,48) : « Tu serviras tes ennemis. »Dans ses récits historiques, Flavius Joseph décrit ainsi l’extrême cruauté dont fit preuve Gessius Florus, le dernier procurateur romain de Palestine : « Aucun meurtre ni pillage ne rebutait cet homme, ni aucune exaction ou humiliation. Il était cruel et malfaisant, aucune abjection ne l’indisposait… » (voir également le Ramban et Abarbanel sur Ki Tavo).

La malédiction : « Je ferai de vos villes des ruines, de vos lieux saints une solitude, et je ne respirerai pas vos pieux encens » apparaît uniquement dans notre paracha (verset 31). Effectivement, c’est seulement pendant la période du Premier Temple – alors qu’un feu descendait chaque jour du Ciel pour consumer les sacrifices – que D.ieu « respirait les pieux encens ». En revanche, à l’époque du Second Temple, ce prodige avait déjà cessé (comme on le voit dans Yoma 21b).A contrario, l’annonce : « L’Eternel lancera sur toi une nation lointaine, venue des confins de la terre, rapide comme l’aigle en son vol » ne figure que dans Ki Tavo, étant donné que le second exil fut déclenché par les Romains, dont le pays était assez éloigné par rapport à l’Assyrie – auteur du premier exil – qui est relativement proche d’Israël. Notons au passage que dans La Guerre des Juifs (3,6), Flavius Joseph témoigne que l’aigle était l’emblème de l’Empire romain.

L’exil babylonien dura soixante-dix ans, conformément au nombre de Chemitot qui ne furent pas respectées lors du Premier Temple. Cette relation apparaît également dans les versets : « Alors la terre acquittera la dette de ses chômages […] Elle chômera pour ce qu’elle n’aura pas chômé dans vos années sabbatiques » (Vayiqra 26,34-35). Quant au second exil, dont l’échéance nous est inconnue, la Tora pose comme seule condition à la délivrance le repentir du peuple juif, comme cela apparaît dans Ki Tavo.A ce propos, le Ramban remarque que dans notre paracha, la Tora ne promet à aucun moment que les fautes seront entièrement pardonnées, et elle n’annonce pas non plus le rassemblement des exilés. Et de fait, la fin de l’exil babylonien ne vit revenir en terre d’Israël que les tribus de Yéhouda et Binyamin, et une faible population issue des autres tribus. De plus, comme on le voit dans le livre de ‘Ezra, le peuple n’effectua pas alors un repentir complet : il se contenta de « confesser son iniquité et celle de ses pères » (verset 40). A contrario, dans Ki Tavo (30,5), la Tora annonce une rédemption parfaite et totale : « Il te rendra prospère et plus nombreux que tes pères. »

Dans Ki Tavo (28,36), on trouve aussi une allusion au roi Agrippas, qui fut exilé à Rome à la fin de l’époque du Second Temple : « L’Eternel te conduira, toi et le roi que tu te seras donné, dans une nation que tu n’auras jamais connue… » Il est à noter que l’expression du verset : « Le roi que tu te seras donné » coïncide avec le fait que la Tora interdisait de choisir Agrippas comme roi, et le peuple l’intronisa de son propre chef, comme l’indique le Talmud (Sota 41b).« Elle mettra le siège devant toutes tes portes, jusqu’à ce que tombent, dans tout ton pays, ces murailles si hautes et si fortes dans lesquelles tu places ta confiance » (Dévarim 28,52). Ceci fait référence aux hautes murailles derrière lesquelles se terraient les Juifs qui s’étaient rebellés contre l’Empire romain ; ces mêmes remparts furent finalement détruits par les Romains.La malédiction : « Vous dévorerez la chair de vos fils et de vos filles » apparaît quant à elle dans les deux parachiot. Sa concrétisation, lors de la destruction du Premier Temple, est relatée dans le livre d’Ekha (4,10) : « De tendres femmes ont fait cuire leurs enfants pour s’en nourrir. » De même à l’époque du Second Temple, La Guerre des Juifs (6,3-4) rapporte qu’une certaine Myriam fille d’Eli’ézer avait fait cuire son propre fils pour manger de sa chair.

L’annonce de Ki Tavo (28,68) : « L’Eternel te fera reprendre, sur des navires, la route de l’Egypte […] et là, vous vous offrirez en vente à vos ennemis comme esclaves et servantes… » se vérifia, selon le Ramban, « lors de l’exil actuel, lorsque Titus remplit des navires entiers de Juifs, et comme en témoignent également les Annales romaines ».Dans l’ouvrage Dorot Richonim (Téqoufat HaMiqra), on peut lire le récit d’un historien romain, qui raconte notamment : « A présent [après la chute de Bétar], le territoire entier est soumis à la domination romaine […] Les captifs furent vendus comme esclaves en très grand nombre. Ils furent d’abord vendus au marché de Ela […] Chaque d’eux fut acheté pour le prix d’un cheval, et les prisonniers invendus furent conduits au marché de Gaza, qui est appelé depuis lors “le marché Adrien“. Ceux qui, même là-bas, ne trouvèrent pas d’acheteurs furent envoyés par navire en Egypte. »Le Névoua VéHachga’ha indique une autre coïncidence entre les prédictions de Ki Tavo (28,43) et le déroulement de l’histoire : « L’étranger qui sera chez toi s’élèvera de plus en plus au-dessus de toi, et toi tu descendras de plus en plus. » En effet, écrit-il, « cette prophétie se confirma à la fin de l’époque du Second Temple. Hérode, l’esclave édomite, grimpa l’échelle sociale et devint finalement roi des Juifs. Ce despote maléfique infligea des brimades extrêmement cruelles à ses sujets juifs : il assassina, vola, spolia et les appauvrit totalement. Quant aux étrangers établis en Erets-Israël, il les éleva à la dignité, il leur construisit des villes fastueuses et les combla des biens qu’il avait confisqués aux Juifs. »

Ce témoignage est confirmé par Flavius Joseph, lorsqu’il cite les propos que rapportèrent les notables juifs à l’Empereur romain peu après le décès d’Hérode : « Son règne fut entièrement placé sous le signe de la cruauté, semant la destruction parmi les Juifs. Toutes les villes de nos voisins, celles des étrangers, il les restaura et les enrichit avec des bâtiments hauts et somptueux, dans l’intention d’humilier les villes de Judée. Et il parvint effectivement à ses fins : les habitants de Judée, qui prospéraient au début de son règne, furent rabaissés jusqu’à terre et réduits à la pauvreté. » C’est ainsi que se concrétisa mot pour mot la triste annonce : « L’étranger qui sera chez toi s’élèvera de plus en plus au-dessus de toi, et toi tu descendras de plus en plus. »Notons enfin une dernière prophétie qui se confirma : « Tu te fianceras à une femme et un autre la possédera » (Dévarim 28,30). Le Talmud rapporte que sous les règnes grec puis romain, le droit de cuissage était devenu monnaie courante : « Que désigne la “période de persécution“ ? Cela fait référence au temps où il fut décrété que toute femme vierge, avant son mariage, serait d’abord possédée par le seigneur » (Kétouvot 3b). Comme en témoignent les ouvrages d’histoire, ce décret abject imposé au peuple juif se perpétua pendant de longs siècles et dans de nombreuses contrées.

Cet extrait est issu du livre « Lekah Tov » publié par les éditions Jérusalem Publications, avec leur aimable autorisation. Tous droits réservés.

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