Les juifs redoutent leur extinction à terme

L'avenir démographique du judaïsme repose sur sa branche la plus orthodoxe même si elle est minoritaire. C'est ce que vient de démontrer cette semaine, à Paris, l'ancien grand rabbin d'Israël, Meir Lau, devant le congrès annuel du Centre rabbinique européen (Rabbinical Centre of Europe) qui a rassemblé plus de 300 rabbins venus des quatre coins du Vieux Continent.

Cette personnalité incontestable, actuellement président du centre Yad Vashem de Jérusalem, s'est appuyée sur une étude récente réalisée aux États-Unis, la seconde communauté juive dans le monde après Israël et donc «représentative», assure-t-il, de la situation d'ensemble du judaïsme.

L'idée de cette enquête, dont Le Figaro a pris connaissance, est simple, mais elle nécessite trois remarques préalables. La première est que sauf conversion reconnue, on ne «devient» pas juif ; il faut naître d'une mère juive pour être considéré comme juif. Ce qui induit une évidence : le développement de la communauté juive dépend du taux de fécondité des femmes juives.

Avec une variable de taille, deuxième remarque, liée aux «mariages mixtes» (avec des personnes non juives). Ils se multiplient et même s'ils se produisent avec une femme juive, ils contribuent, estiment les rabbins, à «affaiblir» l'identité de la communauté car ils provoquent un éloignement culturel et religieux, phénomène qu'ils dé­nomment «l'assimilation».

Dernière remarque, très caractéristique du judaïsme, l'existence de courants, admis et reconnus. Ils délimitent une typologie d'une pratique religieuse plus ou moins fervente. L'étude situe cinq courants : les «laïcs», non pratiquants ; les «réformés» ou «libéraux», qui ont adapté certaines règles en admettant, par exemple, les femmes rabbins ; les «conservateurs», que l'on dirait classiques ; les «modernes-orthodoxes», qui seraient traditionnels sans excès ; les « religieux» ou «orthodoxes», vivant pleinement les règles jusqu'à, parfois, la rupture sociale.

Débat d'avenir

Fondée sur ces critères, l'étude rapportée par le grand rabbin Lau, étudie la progression de la communauté sur quatre générations aux États-Unis. Pour un groupe de 100 juifs au départ, il resterait 5 juifs dans les milieux laïcs après quatre générations. Il en resterait 13 chez les libéraux, 24 chez les conservateurs, 346 chez les modernes-orthodoxes, 2 857 chez les religieux mais qui représentent une très faible proportion de la communauté ! Extinction, donc, de la communauté d'un côté, expansion de l'autre. Avec des clés chiffrées : le taux de fécondité d'une femme du milieu religieux est de 5,9 ; celui du milieu juif laïc est de 1,2. Quant aux mariages mixtes, ils sont de 72 % chez les juifs laïcs et de moins de 1 % chez les juifs religieux.

 

Les experts de la démographie du judaïsme ont noté depuis longtemps la coexistence, au sein de la communauté juive, de cette «explosion» et de cette «implosion» dé­mo­graphiques simultanées, mais aucune étude ne l'avait démontrée avec une telle netteté. Cette étude est incontestable, mais elle est promue par des milieux orthodoxes ouvertement représentés par le  Centre rabbinique européen. Elle nourrit en fait un débat d'avenir qui agite et inquiète profondément la communauté juive et Israël.

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