Vaychla’h. Jusqu’où va le devoir de gratitude ?

« Il se fixa à l’entrée de cette ville » (Béréchit 33,18)

« [Ya’aqov] y établit un marché et il vendait de la marchandise à prix réduit. C’est à ce propos qu’il est dit que tout homme doit témoigner de la gratitude à la ville dont il a profité. Rabbi Chim’on bar Yo’haï et Rabbi El’azar son fils restèrent cachés dans la grotte pendant treize ans au point que leur peau s’assécha totalement (…). Ils allèrent se baigner dans les bains de la ville de Tibériade. Rabbi Chim’on dit : “Mon fils, les gens de Tibériade nous ont fait tant de bien ! Nous devons leur rendre leur bien de la même manière qu’agirent nos ancêtres…» (Midrach Rabba 79,6)

Le terrain sur lequel s’était établi Ya’aqov – fait remarquer le Da’at Tora – fut acheté argent comptant, pour une valeur de cent kessita. S’il en est ainsi, en quoi les habitants de ville gratifièrent-ils Ya’aqov de « faveurs » ?  C’est qu’en sa qualité d’homme profondément reconnaissant, expliquait le maître de Mir, Ya’aqov voyait dans sa simple présence au sein du peuple de Chekhem la perspective d’innombrables bienfaits. Selon lui, pouvoir acheter des vivres ou des vêtements grâce à cette proximité réclamait déjà sa reconnaissance.Dans chacune de leurs démarches, nos patriarches se sentaient redevables pour tous les bienfaits de la vie. Jamais ils ne manquaient d’exprimer leur gratitude – par des paroles ou des actes – car ils se sentaient véritablement débiteurs.

En revanche, nous-mêmes ne nous considérons obligés en rien : la notion de rendre le bien pour le bien ne nous est guère familière. Ainsi, certaines personnes se déclarent en faillite et par cette simple « déclaration », s’estiment exemptes de toute obligation envers autrui, invoquant différents prétextes pour se juger totalement irréprochables. Le réel problème dans ce genre d’attitude réside dans notre incapacité à nous estimer redevables : même lorsque nous acceptons de payer un dû, c’est uniquement au regard de preuves attestant de la dette, et dont nous ne pouvons nous désister… Ce manque de sensibilité est qualifié par nos Sages de « kefiyout tova » [ingratitude] – a contrario des patriarches chez qui la notion de gratitude était à la mesure de leur reconnaissance pour tous les bienfaits du monde.

Cette perspective nous éclaire également sur le concept de « Tiqoun ha’Olam » [ensemble de décisions rabbiniques destinées à l’amélioration des rapports sociaux], qui occupe une place si importante dans la législation talmudique : la notion de reconnaissance invite l’homme à éprouver de la gratitude pour tous les bienfaits au monde, sans lesquels nul ne pourrait tout bonnement vivre.Rabbi Chim’on bar Yo’haï et son fils prouvèrent qu’ils étaient capables de vivre des années durant dans une grotte, totalement isolés du reste du monde. Pourtant, à l’instant même où ils bénéficièrent des commodités dispensées par les habitants de Tibériade, ils se sentirent aussitôt redevables envers eux.
Et nous-mêmes, que pouvons-nous dire de nos actes ?

Cet extrait est issu du livre « Lekah Tov » publié par les éditions Jérusalem Publications, avec leur aimable autorisation. Tous droits réservés.

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